La Déclaration de Politique fédérale, qui contient les grands axes de la politique du gouvernement pour la législature, concerne également le vélo. Le GRACQ y relève des points positifs - à commencer par l'élaboration d'un nouveau plan vélo fédéral - mais constate aussi peu d'avancées spectaculaires (fiscalité, intermodalité). Pas une phrase non plus sur la lutte contre le vol de vélo.

BeCyclist 1Pour commencer, une bonne nouvelle à souligner d'emblée est l'élaboration d'un successeur au premier plan vélo fédéral "Be Cyclist" : une boussole indispensable pour une trajectoire efficace en matière de politique vélo.

Pour le reste, voici notre analyse des différents éléments de la nouvelle Déclaration de Politique fédérale (DPF) qui concernent de près ou de loin le vélo. Celle-ci est structurée en fonction des domaines de compétences fédéraux.

Fiscalité

Le gouvernement ne profitera pas de l'autorisation de l'Union européenne d'appliquer une TVA réduite de 6 % sur la vente de cycles. On note par contre que les entreprises pourront déduire la TVA sur les vélos dits "de société" :

Le SPF Finances publiera une circulaire concernant le droit forfaitaire à la déduction de la TVA sur les vélos d’entreprise à usage mixte. Cette circulaire permettra de résoudre la difficulté résultant de l’absence d’une administration des kilomètres pour les vélos.

Le budget mobilité sera lui étendu, mais comprendra toujours la "voiture salaire" :

Le budget mobilité existant sera réformé pour devenir un budget mobilité pour tous. Cela partira de la mise à disposition par l’employeur d’un budget, dans lequel la voiture, ainsi que d’autres modes de transport, sont des options de dépense basées sur leur valeur réelle. Par ailleurs, le nouveau régime sera traité de manière (para)fiscale avantageuse afin d’assurer l’attractivité du nouveau système.

Silence radio du côté de l'indemnité kilométrique vélo, que le GRACQ souhaite voir s'appliquer uniformément à tous les travailleurs à vélo. On relève malgré tout ceci :

Le nouveau budget mobilité remplacera les régimes existants d’interventions de l’employeur pour les déplacements domicile-travail et privés de l’employé, dans le but de simplifier le système actuel.

Vol de vélo

La précédente législature a vu l'extension au niveau national du système d'identification MyBike : un grand pas en avant dans la lutte contre le vol. L'enregistrement des vélos s'effectue cependant sur une base volontaire, que le GRACQ souhaite voir évoluer vers un enregistrement obligatoire pour les vélos neufs (comme en France).

Malheureusement, la nouvelle DPF ne contient pas une ligne sur la lutte contre le vol de vélo.

Environnement

En matière de mobilité durable, on continue à miser principalement sur la voiture électrique :

Les voitures électriques contribuent non seulement à la transition durable dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, mais elles peuvent également apporter une flexibilité supplémentaire au sein du réseau électrique.

D'un autre côté, la déclaration fédérale reste très vague sur les impacts de la mobilité dans le secteur de l'e-commerce et de sa logistique (avions, camionnettes). La cyclo-logistique n'y est absolument pas mentionnée :

La numérisation de notre économie entraîne également des défis. Les acteurs du secteur postal et de l’e-commerce seront encouragés, en concertation avec le secteur, à maîtriser l’impact environnemental et les effets sur la mobilité liés au développement rapide des flux de commerce en ligne.

Ferroviaire

Dans ce domaine, le premier point de la DPF qui nous concerne ne fait que rappeller ce qui est déjà dans le Contrat de service public 2030 de la SNCB. En matière de stationnement vélo sécurisé, cela signifie que seules les 100 plus grandes gares belges seront visées, ce que le GRACQ regrette évidemment.

Pour mettre en œuvre le plan pluriannuel d’investissement, la SNCB continue de prévoir des possibilités de stationnement sécurisés pour les vélos et les voitures afin d’encourager le transport combiné. L’accessibilité financière joue un rôle important à cet égard.

Le transport des vélos dans les trains est également évoqué, mais surtout au conditionnel :

En outre, il faut poursuivre les efforts en vue d’augmenter le nombre de places pour les vélos dans les trains sans réduire le nombre de places assises. En concertation avec la SNCB, nous étudions les possibilités de supprimer le supplément vélo au moins pendant les heures creuses en vue de favoriser la mobilité combinée.

Quant à l'accessibilité, un point noir tant pour les cyclistes que les personnes à mobilité réduite, on reste sur notre faim car elle ne semble concerner, là encore, que les plus grandes gares. Dans de nombreux cas, la simple installation de goulottes d'accès aux quais serait hautement profitable pour les cyclistes.

Nous continuons à améliorer l’accessibilité des transports publics pour tous et l’accessibilité des infrastructures (gares, quais, véhicules). En l’occurrence, nous donnons la priorité dans la mise en œuvre aux grandes gares, qui touchent le plus grand nombre de personnes à mobilité réduite ou porteuse d’un handicap.

Sécurité routière

Un premier point positif concerne une demande portée par les associations de sécurité routière et de victimes de la route :

Nous introduirons l’infraction d’homicide routier, permettant de rappeler à la fois la gravité du comportement adopté sur la route et l’importance des conséquences de celui-ci. Nous veillerons à ce qu’elle soit strictement sanctionnée.

Si le permis à point n'est pas mentionné tel quel (la Belgique reste un des derniers pays d'Europe à ne pas en disposer), la DPF prévoit la mise en place en place d'un système pour lutter contre les chauffards récidivistes. C'est en soi une bonne chose, bien que le système semble assez alambiqué et moins lisible :

Sur la base de la banque de données des délinquants de la route récidivistes, les contrevenants seront automatiquement convoqués devant un tribunal de police s’ils ont commis trop d’infractions au cours des trois dernières années. Nous fixons le seuil de comparution devant le tribunal de police, en plus des sanctions qui existent déjà aujourd’hui, à huit excès de vitesse au cours des trois dernières années de plus de 20 km/h en agglomération, dans une zone 30, aux abords des écoles, ou en cas d’excès de vitesse de 30 km/h sur d’autres routes, ou en cas d’excès de vitesse de 40 km/h sur l’autoroute, à l’utilisation d’appareils électroniques au volant au moins à trois reprises au cours des trois dernières années, à une intoxication alcoolique à au moins deux reprises au cours des trois dernières années, ou une combinaison d’au moins cinq excès de vitesse comme indiqué précédemment avec au moins une infraction du troisième degré.

On note positivement aussi la possibilité d'utiliser des caméras ANPR pour mieux lutter contre les activités interdites (et dangereuses) au volant :

Le gouvernement fédéral s’engage à utiliser le réseau de caméras ANPR et d’autres caméras de manière proportionnelle et efficace, avec une protection maximale de la vie privée. (...) Un cadre juridique, respectant toutes les règles applicables en matière de protection de la vie privée, doit permettre de détecter l’utilisation d’un téléphone au volant à l’aide d’un dispositif automatique et autonome.

Le gouvernement fédéral propose enfin de réguler davantage les engins de déplacement motorisés et de développer une réglementation pour les fatbikes (ces vélos aux pneus ultra-larges dont le succès croissant pose des questions de cohabitation, aux Pays-Bas notamment).

Le gouvernement étudie l’impact d’une éventuelle obligation de porter un casque sur l’utilisation et la sécurité des trottinettes électriques.

Nous uniformisons la réglementation relative aux engins de déplacement motorisés en prenant le poids et la vitesse comme critères distinctifs. Il s’agit notamment d’assurer l’homologation et la limitation de la vitesse des trottinettes électriques et de mettre au point la réglementation relative aux fatbikes. Nous interdirons les trottinettes électriques les moins sûres, comme celles dont les roues sont trop petites et qui roulent manifestement trop vite.

Carte des cyclostrades pilotées par BelirisInvestissements fédéraux à Bruxelles

Afin de développer et de promouvoir le rôle international et la fonction de capitale de Bruxelles, le niveau fédéral investit des moyens financiers au travers de Beliris. Actuellement, le développement de plusieurs cyclostrades reliant Bruxelles à sa périphérie bénéficient de ce financement spécifique.

La DPF prévoit que les moyens de Beliris seront recentrés prioritairement sur la mobilité. Le GRACQ sera attentif à ce que les projets cyclistes soient bien inclus (ce qui n'est pas superflu quand on sait que la possibilité de dédier l'ensemble de l'enveloppe Beliris au développement du métro 3 a été évoquée lors de la précédente législature).

Le gouvernement veillera à ce que Beliris concentre ses moyens prioritairement sur des projets autour de la mobilité et des investissements stratégiques de développement sur le territoire bruxellois et qui sont importants pour plusieurs régions. Le gouvernement consultera le gouvernement bruxellois dans ce cadre.

Un vrai shift modal ?

Si le gouvernement souhaite explicitement un shift modal, comme il l'écrit lui-même, celui-ci demande d'avantager certains modes et d'en décourager d'autres. Mais la phrase ci-dessous résume assez bien l'esprit général, qui sera de n'en contrarier... aucun :

Nous sommes néanmoins opposés à une confrontation entre les différents modes de transport et encourageons à opter pour le moyen de transport qui correspond le mieux aux besoins des usagers

En bref, les nouvelles mesures fédérales pour le vélo sont plutôt positives, mais restent limitées tant fiscalement qu'au niveau du vol de vélo et de l'intermodalité vélo/train.

Luc Goffinet

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