Contrairement à la majorité des pays européens, la Belgique doit encore concrétiser un système de permis à points. Celui-ci devrait permettre de s'attaquer à la récidive des comportements dangereux sur nos routes. Le GRACQ insiste pour que les infractions mettant directement en danger les usagers vulnérables fassent l'objet de points de pénalité. Tout blocage politique sur ce dossier serait incompréhensible.

En matière de sécurité routière, notre pays — et plus particulièrement la Wallonie — ont des performances médiocres en Europe. Le nombre de morts sur nos routes wallonnes, rapporté à la population, est de l'ordre de ce que l'on observe dans les pays de l'Est.

La mortalité routière en Belgique a presque diminué de moitié en 15 ans mais au classement européen, nous sommes passés de la 17e place en 2005 à la 20e en 2019.

2019 UE Carte sécurité routière (régions)

Le dernier baromètre trimestriel de VIAS pour 2022 montre aussi un retour aux chiffres de 2019 pour le nombre de blessés et tués sur nos routes, particulièrement pour les piétons et les cyclistes. Sans nouvelles mesures ambitieuses, il y a peu de chances que la situation s'améliore dans les prochaines années.

La récidive, un réel souci

Les études montrent que la répétition des infractions sur nos routes est un facteur aggravant pour les accidents : "Plus il y d'infractions commises par une personne, plus le risque d’accident qu'il va provoquer augmente" (VIAS, 2021). La tendance est même exponentielle : "8 PV par an = 10 fois plus de risque d'accident" (SWOV, 2011).

On sait que la Belgique est un des derniers pays européens à ne pas disposer d'un système de sanctions progressives, via un permis à points ou un mécanisme équivalent. Pour contrer l'impunité, pas moins de 24 pays européens ont en effet instauré un permis à point ou un équivalent. En Belgique hélas, pour la plupart des infractions, il suffit de payer pour continuer à rouler, comme le constate VIAS :

Les excès de vitesse en dessous de 160 km/h sur autoroute et de 80 km/h en agglomération, la conduite en état d'ivresse avec une alcoolémie comprise entre 0,5 et 0,8 g/l, l'usage d'un GSM au volant et le non-port de la ceinture de sécurité ne sont généralement sanctionnés que par des amendes, sans qu’il soit tenu compte du nombre de condamnations antérieures.

En tant que société, nous ne pouvons pas permettre, avec des chiffres de sécurité routière qui stagnent, que les conducteurs continuent à commettre certaines infractions en toute impunité. Le fait de ne pas donner suite de manière adéquate à des infractions dites mineures peut avoir un impact négatif sur la norme sociale en matière de sécurité routière.

Le permis à points est-il efficace ?

Aucune mesure isolée ne peut à elle seule sécuriser durablement nos routes, mais chacune d'entre elles est une pièce indispensable d'un "système routier sûr". Le permis à point enrichit utilement la panoplie des outils de sécurité routière, à côté de l'intensification des contrôles, de la fin des classements sans suite, de la formation, l'éducation, la responsabilisation ou encore la sensibilisation à une meilleure conduite.

En France, 80% des détenteurs de permis possèdent tous leurs points. Seulement 1% des conducteurs perdent leur permis chaque année. Au Québec, ce taux est de 0,4%. Ce n'est donc pas, comme certains le craignent, une sanction massive contre les conducteurs motorisés. Des formations permettent aussi de récupérer des points avant l'expiration du permis. Enfin, certains points perdus ou gagnés peuvent être effacés après une période donnée.

Pour quoi prendrait-on des points en Belgique ?

Le système envisagé en Belgique serait un système de cumul de points de pénalité, plutôt que de perte. On partirait donc de zéro. La liste des infractions pénalisées par des points n'est toutefois pas encore arrêtée. L’ETSC (conseil européen de la sécurité des transports) recommande qu’au moins 8 infractions soient inclues dans un système à points : "excès de vitesse, non-port de la ceinture de sécurité, non-respect d’un feu rouge, conduite sous l’influence de l’alcool ou de drogues, non-port de casque de sécurité, utilisation d’une bande interdite ou du téléphone mobile au volant".

Si la vitesse, l'alcool et la distraction sont des facteurs majeurs d'accidents sur nos routes, il existe d'autres infractions qui mettent aussi gravement en danger les usagers vulnérables : le stationnement illicite sur les trottoirs, les passages piétons et les pistes cyclables, ainsi que le non respect des distances de dépassement. A titre d'exemple, au Québec, le "dépassement d'une bicyclette sans espace suffisant sur la voie de circulation" coûte 2 points de permis. Nous demandons au Gouvernement belge de suivre cette voie également.

Sous l'impulsion de Jean-Luc Dehaene, la Belgique a adopté dès 1990 un cadre légal pour ce permis. Hélas depuis lors, aucun arrêté d'éxécution n'est venu pour le mettre en oeuvre. Une partie du monde politique, essentiellement francophone, freine des quatre fers. Le gouvernement a aujourd'hui l'opportunité de faire sortir la Belgique de son isolement européen sur ce dossier. Il faut la saisir.

Luc Goffinet

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