Des familles de victimes de la route appellent à introduire dans notre code pénal la notion d'homicide routier pour qualifier les accidents mortels causés par des conducteurs irresponsables (excès de vitesse, conduite sous influence, distraction grave). Elles ne souhaitent plus que l'on parle d'accidents pour masquer des comportements volontaires inexcusables. Une pétition a été lancée à la Chambre et attend vos signatures.
Le poids des mots
Chaque année, des vies sont brisées par des conducteurs sous l'emprise de l'alcool et de drogues. Malgré ces tragédies, la législation actuelle utilise toujours le terme accident, qui évoque des circonstances sur lesquelles on n'a pas de prise ("la faute à pas de chance"), et qui empêche aussi des condamnations plus lourdes des comportements criminels qui peuvent exister sur la route.
En outre, utiliser le mot accident est choquant pour les familles des victimes, qui n'y voient pas de réelle condamnation de la société pour des faits inexcusables. Ni une reconnaissance qu'elles sont, elles aussi, victimes de ceux-ci.
Un momentum juridique et politique pour changer
Damien Vandermeersch, juriste qui a piloté la réforme du code pénal adoptée en février 2024, comprend la demande de changement, comme il le déclarait récemment à La Libre :
Dans le nouveau Code pénal, l'homicide routier se retrouve sous l'appellation "accident de circulation mortel", comme une infraction aggravée de l'homicide par défaut grave de prévoyance ou de précaution. Un tel homicide, dans le cadre d'un accident de circulation, est puni d'une peine de niveau 3 (au lieu d'une peine de niveau 2). La peine de niveau 3 est une peine d'emprisonnement de plus de trois ans à cinq ans, peine qui peut être diminuée si le juge admet des circonstances atténuantes.
Si la proposition nous avait été faite au moment où nous avons préparé les textes du nouveau Code pénal, nous aurions adopté la terminologie d'homicide routier qui met davantage l'accent sur l'action de tuer une personne, même s'il n'y a pas intention de donner la mort (sinon ce serait un meurtre), alors que le terme "accident" évoque davantage un événement malheureux. Le recours à la dénomination "homicide routier" se justifie à mes yeux d'autant plus qu'aux termes du nouvel article 107, la mort est causée par une faute lourde de l'auteur (par exemple, homicide routier commis sous l'influence de l'alcool) et qu'il y a lieu de mettre davantage l'accent sur sa responsabilité. Ceci étant dit, rien n'empêche le Parlement en tant que législateur de voter une loi modifiant l'intitulé de l'article 107 du nouveau Code pénal…
La balle est donc clairement dans le camp des politiques, que ce soit le parlement ou le gouvernement, pour modifier le code pénal récemment révisé.
De ce côté là, bien que lutter contre les chauffards ait toujours été plus populaire en Flandre qu'en Wallonie, les choses bougent un peu partout. Ainsi la députée Engagée Vanessa Matz (Malmedy), négociatrice pour le futur gouvernement fédéral, se bat pour faire rentrer l'homicide routier dans l'accord de majorité du nouvel exécutif.
Elle propose même d'être plus sévère dans certains cas :
En élevant la peine au niveau 4, soit un emprisonnement de 5 ans à 10 ans au plus. On est ici face à une infraction aux conséquences gravissimes : la perte d'une vie. Mais le juge pourra toujours apprécier au cas par cas, appliquer des circonstances atténuantes et réduire à une peine de niveau 3 (3 à 5 ans) ou 2 (6 mois à 3 ans), ainsi que prévoir des peines alternatives telles que des conditions d'abstinence et de suivi par rapport à la drogue/l'alcool, de formation routière ou d'interdiction de conduite.
Une pétition à signer
Pour accentuer la pression sur l'état fédéral, une pétition citoyenne pour introduire l'homicide routier dans le code pénal a été lancée par Nathalie Motte et Rinaldo Pontello, qui ont perdu leur fille voici un an. Romane, 24 ans, a en effet été heurtée et tuée par un conducteur ivre au volant d'une camionnette.
Ils en parlent en ces termes : "Notre société doit cesser d'être laxiste avec ceux qui font le choix d'utiliser leur véhicule comme arme dans les rues. Quand il ou elle – sous emprise – tue, il ne s'agit pas d'un délit mais d'un homicide qui doit être puni plus sérieusement."
Bien sûr, ce n'est pas cette seule adaptation du code pénal qui pourra à elle seule faire drastiquement diminuer l'insécurité routière. Il faudra bien d'autres mesures, comme la concrétisation du permis à points, des contrôles plus fréquents et des infrastructures routières qui calment le trafic. Néanmoins, le GRACQ s'associe totalement aux familles de victimes de la route pour demander, comme en France, l'introduction de l'homicide routier dans le code pénal et des peines plus lourdes pour celui-ci.