Cinq ans après son premier plan « mobilités actives », au bilan mitigé, la France en relance un second doté cette fois d'un budget de 250 millions € par an (soit 1,25 milliard € d'ici 2027). A l'échelle de la France c'est peu mais le gouvernement compte sur des investissements deux fois supérieurs des collectivités locales.
Bilan du premier plan après 4 ans
En 2018, la France se dotait d'un premier plan national "vélo et mobilités actives", avec un objectif ambitieux : 9% de déplacements à vélo en 2024. Cet objectif ne sera pas atteint, malgré les mesures phares de ce plan :
Un fonds national d'un montant de 350 millions d'euros (sur 7 ans)
Un apprentissage systématisé du vélo avant l’entrée au collège
La mise en place d'un marquage généralisé des vélos
Une indemnité vélo domicile/travail pouvant aller jusqu’à 400 € par an
Le bilan n'est pas entièrement négatif toutefois. Du côté de l'infrastructure les budgets dégagés auraient permis de faire, selon l'évaluation officielle, 17.000 km de "pistes cyclables sécurisées", tandis que 80% des coronapistes auraient été pérennisées. Quatre millions de vélos sont désormais formellement identifiés en France (sur 30 millions). Et des exigences de stationnement vélo sont imposées aux nouveaux immeubles (1 ou 2 places par logement).
Financièrement parlant, le bonus à l'achat d'un vélo électrique est passé de 200 € à 400 €, tandis que la "prime à la casse" permet désormais d'acheter un vélo au lieu d'une voiture en remplacement. Environ 1,7 million de vélos ont aussi bénéficié d'un chèque réparation de 50 €. Le forfait "mobilités durables", reste lui optionnel pour les employeurs. Du côté de l'intermodalité, le France a aussi lancé un plan de stationnement dans les gares (90.000 emplacements programmés), 8 places vélos par train et 5 dans les "cars Macron".
Malgré tout ceci la « part modale » du vélo n'est passée de 2-3% environ qu'à 3-4% en cinq ans. Pourquoi ? Olivier Razemon, journaliste mobilité au Monde, nous l'explique ici :
Le budget d’État alloué aux aménagements pour le vélo, 350 millions € entre 2018 et 2024, n'aura pas suffi. Les réflexes ont la vie dure et une stratégie globale de la mobilité fait encore défaut. Alors même qu’une part considérable des courts trajets mobilisent une voiture, le réflexe politique consiste à encourager cet usage. La leçon territoriale du mouvement des « gilets jaunes » n’a pas été tirée. Les projets routiers continuent de fleurir, et l’étalement urbain n’est pas vraiment stoppé, ce qui allonge les distances. Depuis le début de la guerre en Ukraine, alors que le prix du carburant a atteint des records, il faudrait aménager en urgence des pistes cyclables, comme on l’a fait au printemps 2020 après la première vague du covid. Non, le gouvernement a juste annoncé des remises sur l’essence.
Un nouveau plan "Marche et vélo 2023-2027"
Elisabeth Borne a présenté ce 5 mai 2023 les trois ambitions du nouveau plan "modes actifs" pour la France :
Rendre le vélo accessible à toutes et tous, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie
Faire du vélo et de la marche une alternative attractive à la voiture individuelle
Faire du vélo un levier pour l'économie en accompagnant les acteurs français de la filière
Avec comme mesures phares jusqu’en 2027 :
- 200 millions € par an pour atteindre 80.000 km de réseau cyclable sécurisé
- Des primes à l’achat maintenues et étendues à l’achat de vélos d’occasion
La formation de 850.000 enfants par an au « Savoir Rouler à Vélo »
- 1,4 millions de vélos assemblés en France (2 millions en 2030)
- Augmenter l'indemnité vélo forfaitaire de 200 à 300 € dans le secteur public
- Faciliter l'arrêt et le redémarrage des cyclistes aux feux
D'autres mesures figurent dans ce plan, que nous ne détaillerons pas ici (lien ci-dessous). La Fédération des cyclistes français (FUB) livre sur le projet cette première analyse :
Ce montant historique d’investissement national pour les pistes cyclables était nécessaire pour rattraper le retard de la France qui dispose d’une infrastructure cyclable sous-développée. Mais il est encore loin des besoins réels qui remontent du terrain. Sur la durée du plan, c’est encore 1 milliard € de plus qu’il faudra pour créer le véritable « Plan Marshall » attendu par les acteurs du vélo.
Pour que ce plan vélo soit une réussite, la FUB enjoint aussi le gouvernement à appuyer le développement du tissu associatif d’usager·e·s, qui dispose d’une expertise d’usage unique, connaît les besoins locaux et permettra de garantir la qualité des infrastructures, tout en accompagnant la population à s’approprier le vélo et à le faire entrer dans ses habitudes.
La FUB soutient l'ambition du gouvernement de généraliser le dispositif « Savoir Rouler à Vélo » pour les enfants de 6 à 11 ans, mais constate que les moyens de pilotage et d’animation ne sont pas au rendez-vous pour le faire connaître et le valoriser auprès des collectivités et des établissements scolaires.
Le GRACQ suivra donc avec attention ce qui se passe chez nos voisins et, particulièrement, l'évaluation des mesures de ce plan ambitieux visant 12% des déplacements à vélo en 2030 !
Luc Goffinet
En savoir plus
► Premier comité interministériel vélo et marche (Gouvernement français, 2023)
► Vélo : le quinquennat Macron, entre réussites et déceptions (Le Monde, 2022)
► Le « Plan vélo » fête ses quatre ans (Gouvernement français, 2022)
► La France a enfin son plan vélo (GRACQ, 2018)