Selon la dernière grande enquête du SPF Mobilité, ce sont désormais 14% des travailleurs qui vont au boulot à vélo en Belgique. Avec des disparités régionales assez fortes : 21% en Flandre, 7% à Bruxelles, mais seulement 2,4 % en Wallonie. Une croissance positive mais hélas au détriment des transports en commun, et très peu de la voiture, dont l'utilisation s'est même accrue en Wallonie.

Périodiquement les employeurs belges de plus de 100 personnes communiquent leurs statistiques de déplacements domicile/travail au SPF Mobilité, qui les analyse et produit un rapport. Normalement tous les trois ans mais, COVID oblige, on est passé de 2017 à 2021 cette fois-ci. Pour info, les petites structures belges ne sont jamais reprises dans cette enquête.

Il est à noter aussi que la part du vélo est sans doute sous-estimée par le SPF car celui-ci n'est pris en compte que comme "mode régulier" de transport. Récemment, un secrétariat social actif dans le secteur privé estimait à 35,8 % le nombre de personnes vélotaffant occasionnellement ou partiellement (jusqu'à la gare par exemple) en Belgique, et 15% de vélotaffeurs réguliers (sur tout leur trajet).

Malgré tout, l'image globale qui s'en dégage est assez éclairante, au vu du grand échantillon de déplacements concernés (1,6 millions de personnes).

Une situation contrastée entre régions

2022 SPF Domicile-travail (vélo)

En 2021 la part des déplacements à vélo vers le lieu de travail a atteint 20,8% en Flandre (17% en 2017), 7,2% à Bruxelles (4,4% en 2017) et 2,4% en Wallonie (1,6% en 2017). C'est donc essentiellement Bruxelles et, surtout, la Flandre qui tirent la moyenne belge vers le haut.

En Flandre, le vélo occupe depuis longtemps la 2e place sur le podium, devant les transports en commun. Les vélotaffeurs y sont trois fois plus nombreux que les navetteurs en train/tram/bus. Serait-ce l'effet d'une politique vélo de long terme et d'un budget conséquent consacré aux infrastructures cyclables (plus de 300 millions € par an ces dernières années) ?

À Bruxelles, le vélo se classe toujours 4e, mais affiche une belle progression. On se réjouit également que les transports en commun y représentent désormais la moitié des déplacements domicile/travail. La politique de mobilité alternative ambitieuse de la Région bruxelloise semble donc porter des fruits.

En Wallonie, le vélo se classe seulement 5e (après la marche à pied). La progression y est très lente, et seuls les centres urbains font mieux que la moyenne générale. Une mauvaise note à pointer pour l'usage de la voiture qui s'y accroit, au détriment de celui des transports en commun. Clairement pénalisée par un aménagement du territoire désastreux (maisons en rase campagne et zonings dans les champs), un manque criant d'aménagements cyclables sécurisés et de réduction des vitesses (30km/h en agglomération et 70/80 km/h en dehors) la Wallonie peine à mettre en place une mobilité durable efficace.

Ces freins à la progression du vélo sont exprimés ici par les employeurs des trois régions :

2021 SPF Domicile-travail (vélo freins)

Les performances par villes

2021 SPF Domicile-travail (vélo villes)

On voit clairement sur ce graphique que Bruxelles se détache parmi les villes francophones, tandis que Liège prend la tête des villes wallonnes où on fait (un peu) plus de vélotaf.

Les mesures prises par les employeurs

Parmi les mesures d’encouragements à la mobilité active, le SPF relève 95% d'employeurs (de + de 100 personnes) qui accordent l'indemnité kilométrique vélo, et 73% qui disposent de parkings vélos couverts. Voilà qui contribue certainement à l'essor du vélotaf, d'autant plus que tous les salariés du privés seront bientôt couverts par une indemnité obligatoire.

Du côté des transports en commun 59% des employeurs offrent la gratuité. Malgré celle-ci leur utilisation est en décroissance... Dans un autre rapport récent, le SPF a relevé aussi que les voitures salaires sont désormais accordées à 14% des travailleurs (contre 7% il y a 15 ans). Une explication, parmi d'autres, à la faible décroissance des déplacements en voiture en Belgique (voire à leur croissance en Wallonie).

Le télétravail joue de son côté un rôle positif pour réduire le nombre de déplacements domicile/travail, mais le SPF note cependant ceci :

L’augmentation du télétravail est une autre conséquence de la crise sanitaire. 82 % des travailleurs ont la possibilité de télétravailler, ce qui représente 3,7 fois plus de salariés qu’en 2017. Le nombre de jours de télétravail a également fortement augmenté, ce qui a eu pour effet de multiplier par plus de 6 le nombre de déplacements évités grâce au télétravail en 4 ans. Cependant, cela ne suffit pas nécessairement à fluidifier le trafic automobile car cela compense à peine l’augmentation du nombre de travailleurs depuis 2005.

En conclusion si on salue les mesures positives prises par les (gros) employeurs pour le vélo et les transports en commun, on déplore par contre les avantages fiscaux excessifs dont continue à profiter la voiture (2 à 4 milliards € par an de bonus fiscal), qui plombent le bilan de durabilité des déplacements domicile/travail...

Luc Goffinet

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