La flambée des prix de l'énergie a secoué cette année le paysage politique belge qui tente de trouver des réponses structurelles. Malgré tout cela, le système des voitures salaires, coûteux et socialement injuste, n'est, quant à lui, toujours pas remis en question. Un simple "verdissement" du système a été décidé, via une transition au "tout électrique".
L'énergie coûte de plus en plus cher. En 2022, le gouvernement belge a dégagé une enveloppe de 2,4 milliards € pour diminuer les factures énergétiques des citoyens. Concernant la Mobilité, ces mesures se sont concrétisées par "une réduction des accises sur l'essence et le diesel. Le coût de cette mesure est de 2 millions€/jour pour le diesel, et de 1,26 million €/jour pour l'essence"1. Cela représente, chaque jour, plus de 3 millions € perdus par l'État.
S'il comprend bien l'importance de mesures visant à rendre l'énergie moins chère pour de nombreux citoyens, le GRACQ s'interroge toutefois sur l'absence de mesures plus globales visant à offrir aux Belges des alternatives à la voiture. Aucune mesure prise par le gouvernement n'indique une volonté de revoir notre manière de "consommer la mobilité".
Le GRACQ s'étonne donc que, dans la situation actuelle, le système des voitures salaires ne soit toujours pas revu. Un système pourtant très coûteux pour l'ensemble de la société, très inégalitaire, et en inadéquation totale avec les ambitions climatiques que le pays prétend viser.
Voitures salaires : un système qui cloche
Il convient avant toute chose de distinguer la voiture de société, véhicule d'une entreprise destiné uniquement à un usage professionnel (la camionnette du plombier par exemple) et la voiture salaire, destinée aux employés dans le cadre de leurs déplacements professionnels et privés (vacances, loisirs ...). Une fois cette distinction faite, la réflexion peut commencer.
Le nombre de voitures salaires pour les employés ne cesse d'augmenter selon les chiffres officiels du SPF Mobilité. En 2022, on estime leur nombre à 560.941, soit un salarié sur sept. C'est en évolution constante d'environ 5 % par an et un quasi doublement en 15 ans.
Un chiffre qui ne comptabilise toutefois pas encore les chefs d'entreprise belges, dont 2/3 disposeraient d'une voiture de direction, soit 200.000 véhicules de plus selon une étude menée en 2015 par Xavier May, chercheur de l'ULB. Cette étude prend en compte diverses variables (modèle de voiture, nombre de kilomètres parcourus, consommation, etc) pour estimer un coût fiscal global de 2 milliards € pour 2015 (notons qu'à cette époque, l'estimation se fait sur la base d'un prix du diesel de 1,1 euros/litre !). D'autres études arrivent quant à elles à une estimation beaucoup plus élevée (3,5 milliards € par an pour 2011, selon Inter-Environnement Wallonie) 2. L'augmentation du prix du carburant que nous connaissons depuis n'est sûrement pas faite pour revoir ces estimations à la baisse.
Le système des voitures salaires est socialement injuste car il profite au 9e décile des revenus (aux 10% des salariés les mieux payés en Belgique) et majoritairement aux hommes. En outre, il dope littéralement l’utilisation de la voiture : une voiture privée roule en moyenne 14.000 km/an, contre 28.000 km/an pour une voiture salaire. Le coût environnemental n'est pas non plus anodin, puisque ces voitures salaires émettent en moyenne plus de CO23.
Diminuer les dépenses de l'État (tout en favorisant la transition énergétique)
Depuis longtemps, le GRACQ et le Fietsersbond réclament une remise en question de ce système coûteux pour la collectivité. Des alternatives fiscales réalistes peuvent être mises en place pour rendre la mobilité plus juste, plus solidaire et plus efficace en termes d'enjeux climatiques et d'indépendance énergétique.
Interrogés sur cette question par le GRACQ lors des précédentes élections, quatre partis francophones sur six s'étaient prononcés pour la fin du système actuel des voitures salaires 4. Du côté du MR et du cdH (maintenant "Les Engagés"), on disait vouloir conserver des voitures "basses émissions" dans le cadre de l'avantage fiscal actuel. Pour les autres partis, une sortie à terme du système de subsidiation des voitures était envisagée.
Dans la situation actuelle (flambée des prix de l'énergie et efforts à consentir pour parvenir à une plus grande autonomie énergétique), il est important de remettre en question ce système qui pèse financièrement sur la collectivité. Le GRACQ rappelle d'ailleurs que les embouteillages et les effets de la pollution sur notre santé représentent également un coût non négligeable, et que les infrastructures cyclables de qualité sont moins onéreuses que des infrastructures (auto)routières.
Gaël De Meyere
1Mesures du gouvernement contre la hausse des carburants
2Le coût des voitures salaires (RTBF)
3 "156 g contre 146 g en 2014", selon l'OCDE, Xavier May et le bureau du plan
4Priorités 2019-2024 : les réponses des partis