Un grand sondage auquel 13.500 personnes en Belgique ont répondu en 2023 délivre un bulletin très moyen à la marchabilité de nos communes. Mais également des conclusions intéressantes, tant sur la cohabitation piéton/vélo que sur des mesures d'apaisement de nos rues et un meilleur partage de l'espace public. Des constats que partagent les cyclistes.
Plus de 13.500 personnes ont répondu au printemps 2023 à cette première grande enquête nationale d'opinion sur les déplacements à pied. Celle-ci s'est inspirée d'une initiative française : le Baromètre des Villes Marchables.
Les différents thèmes abordés lors de ce grand sondage ont été très similaires à ceux du baromètre cyclable du GRACQ :
- Les pratiques et le ressenti global sur le quotidien de la marche
- La cohabitation entre les différents usagers
- L’efficacité du réseau piéton
- La sécurité et le confort des déplacements à pied
- L’importance donnée aux déplacements à pied par la commune
- Les aménagements et les services spécifiques aux piétons
- Les attentes pour améliorer l’usage de la marche
Un enseignement intéressant est le renforcement de la marche par... la pratique :
Plus on pratique la marche, plus on est prêt à marcher longtemps par trajet : 33% des personnes qui marchent tous les jours déclarent être prêtes à marcher au moins 30 minutes par trajet. Ce chiffre est de 18% pour les personnes qui marchent plus rarement.
D'un autre côté, on constate que la marche, qui est souvent le complément d'autres modes de transport, est largement invisibilisée dans les études de mobilité :
La marche est le chainon entre les différentes formes de mobilité. Les gens marchent du train au vélo en libre-service, du parking souterrain à la ville, etc. Le trajet à pied qui a lieu avant et/ou après le vélo, le bus, la voiture... n'est souvent pas pris en compte dans les études. Il est important d'inclure le piéton dans une politique de mobilité multimodale.
Quels sont les problèmes principaux des piétons ?
Au niveau de la sécurité routière, la connexion est vécue comme particulièrement problématique en Wallonie. Ainsi, 57% des wallons ne se sentent pas en sécurité pour rejoindre les quartiers et les villages voisins à pied (25% à Bruxelles et 41% en Flandre). Lorsqu’ils traversent des carrefours et contournent des ronds-points, 48% des wallons ne se sentent pas en sécurité (39% en Flandre et 43% à Bruxelles) et même 46% lors d'une simple traversée de rue (34% en Flandre et 39% à Bruxelles).
La sécurité des enfants est perçue comme encore plus critique en Wallonie : 72% des sondés ne pensent pas que les enfants âgés de 8 ans puissent marcher en sécurité et non accompagnés dans la commune (91% se déplacer à vélo dans le baromètre cyclable du GRACQ). À Bruxelles, ce chiffre est de 62% et de 56% en Flandre.
Enfin, 82% des sondés attendent des cheminements piétons (trottoirs) plus larges, bien entretenus, sécurisés et désencombrés (y compris des vélos...). En moyenne, la moitié des piétons estiment que les trottoirs et les espaces piétons ne sont pas bien éclairés la nuit.
Une critique unanimement partagée entre les régions concerne également les nuisances (pollution de l’air et sonore) engendrées par la circulation des véhicules : 69% des répondants trouvent que la circulation génère trop de ces nuisances (76% à Bruxelles).
Quid de la cohabitation piétons / cyclistes ?
On constate que plus une région compte de cyclistes, plus la cohabitation piéton/vélo semble provoquer des frictions. En Wallonie, 50% des sondés trouvent la relation courtoise, contre 35% en Flandre et 40% à Bruxelles. Avec la croissance attendue des déplacements à vélo, et la politique de mélange piéton/vélo assez systématique au sud du pays, on peut s'attendre à ce que la Wallonie connaisse de plus en plus de soucis à ce niveau là aussi...
Dans tous les cas, le GRACQ partage ce constat des associations piétonnes :
Si les cyclistes et piétons peuvent cohabiter dans de nombreuses situations, lorsque les flux des uns et/ou des autres deviennent importants ou que la vitesse des cyclistes ou des piétons est à privilégier, il est nécessaire que chacun puisse avoir sa place et que celle-ci soit prévue de façon suffisante afin de limiter les interactions entre piétons et cyclistes. C'est d'autant plus le cas que l'évolution vers des vélos électriques et plus lourds augmente l'insécurité et le sentiment d'insécurité. Les enfants, les personnes âgées, les malentendants et les malvoyants, en particulier, éprouvent des difficultés à percevoir les cyclistes venant en sens inverse et à réagir à temps. Des aménagements spécifiques en fonction des usagers sont donc à prévoir et réaliser. Trop souvent, l'espace réservé au trafic motorisé reste inchangé.
Une note sévère pour la "marchabilité"
Sur base des réponses aux questions un score de "marchabilité" a pu être calculé. Au final la moyenne nationale est assez médiocre : 10,4 / 20. Avec peu de disparités régionales (Wallonie 10/20, Bruxelles et Flandre 10,7/20). Une note communale a aussi pu être calculée pour les 62 communes ayant récolté au moins 50 réponses (25 en Wallonie, 16 à Bruxelles).
Du côté wallon, Charleroi, Herstal et Liège ferment la marche avec des notes autour de 7,5/20, tandis qu'à Bruxelles c'est Saint-Josse (6/10) et Molenbeek (7,3/10). Seuls Woluwe, Watermael-Boitsfort, Auderghem et Jette sortent du lot à Bruxelles, avec plus de 11/20. Côté wallon, c'est Ottignies-Louvain-la-Neuve qui se démarque positivement.
Des pistes pour améliorer les choses
Voici ce qui ressort comme priorités principales pour les piétons sondés du baromètre :
On se réjouira de voir dans ces demandes des convergences assez fortes avec celles des associations cyclistes : séparation piéton/vélo/voiture, généralisation du 30 km/h en agglomération, réduction de la pression automobile... Finalement, les usagers vulnérables semblent d'accord pour demander ensemble une répartition plus équitable de l'espace public et une meilleure sécurité pour les modes actifs. On s'en réjouit.