Depuis le début du confinement, le nombre de personnes se déplaçant à vélo s'est fortement accru tant à Bruxelles qu'en Wallonie. Pour le GRACQ, il est capital d'encourager cet élan et d'éviter un report massif vers la voiture lors du déconfinement (à partir du 4 mai), spécialement en milieu urbain où les transports publics vont fonctionner en capacité limitée pendant un certain temps encore. Les aménagements cyclables actuels sont insuffisants pour répondre à cette demande : il est urgent de se montrer plus ambitieux. 

Vendredi dernier, le Conseil National de Sécurité recommandait de "privilégier les modes de transports individuels". Sans prise de mesures concrètes et efficaces pour favoriser la mobilité active, cette recommandation conduira inévitablement à un retour en force de l'autosolisme. Cet "effet rebond" désastreux, constaté en Chine lors du déconfinement, serait synonyme de congestion aggravée, de dégradation de la qualité de l'air et de renforcement de l'insécurité routière. 

Les conséquences de l'impact qu'aura la crise sur les transports en commun ne peuvent pas être ignorées. Les centaines de millions de trajets par an effectués par ses usagers (434 millions de trajets rien que pour la STIB en 2019) ne pourront pas, même en partie, s'effectuer en voiture sans avoir de lourdes conséquences pour la santé de tou·te·s. La Belgique compte chaque année 15 000 morts prématurés dûs à la mauvaise qualité de l'air et 4 000 victimes de la route (morts et blessés graves). Il serait impensable qu'un manque d'anticipation n'aggrave encore ce triste bilan.

Mode de déplacement pratique et sain, le vélo permet de se déplacer en respectant les consignes de distanciation sociale sans effet néfaste. Beaucoup de personnes ont (re)découvert sa pratique durant le confinement, dans des circonstances certes particulières mais cependant plus sécurisantes : trafic automobile limité, instauration de zones 20 ou 30km/h, axes temporairement fermés. Un engouement qui risque pourtant de disparaître avec la réapparition d'un trafic motorisé massif... à moins que régions et communes ne prennent rapidement des mesures pour renforcer la sécurité des cyclistes.

Une prise de conscience internationale croissante

En Île-de-France, 300 millions € vont être débloqués pour accélérer la mise en place du Réseau Express Régional Vélo parisien, un réseau structurant d'infrastructures cyclables alliant sécurité et efficacité. Milan prépare un ensemble de mesures pour donner plus d'espace aux piétons et aux cyclistes, via des pistes cyclables séparées sur des grands axes et des vitesses réduites dans ses quartiers. La Nouvelle-Zélande propose aux autorités locales des subsides (jusque 90% des investissements) pour des aménagements rapides "COVID". De son côté, la ville de Boulder (USA) votera dès ce mois de mai, en urgence, le passage de toutes ses rues résidentielles à 30 km/h.

Et en Belgique ?

L'horloge tourne. Alors que la phase 1 du déconfinement est annoncée pour le 4 mai, les effets concrets tardent à se faire sentir sur le terrain.

La réouverture anticipée des vélocistes n'est pas à l'ordre du jour, en dépit des demandes répétées du secteur pour préparer la mobilité "post confinement". 

Les communes n'ont pas pas toutes accueilli de la même manière les suggestions et l'appui logistique proposés par les ministres régionaux de la Mobilité à Bruxelles et en Wallonie. L'heure n'est pas aux mesurettes : la situation exceptionnelle exige des actes plus ambitieux et plus pérennes que le simple placement d'un panneau ou la fermeture temporaire d'un parc à la circulation. Une redistribution plus équitable de l'espace public en faveur des piétons et des cyclistes doit s'opérer dès maintenant, de manière effective. Le GRACQ se réjouit d'avoir été entendu à Bruxelles, où la Région vient d'annoncer la création de 40 km de pistes cyclables "en urgence". Pour être efficaces, ces aménagements rapides ("tactiques") ne devront pas s'adresser à quelques téméraires, mais bien assurer la sécurité de tou·te·s, y compris des enfants qui souhaiteront rejoindre leur école à vélo. 

Si nous voulons qu'une majorité d'usagers, pour le bien-être de tou·te·s, opte pour le vélo plutôt que la voiture, c'est maintenant que le virage vers une nouvelle mobilité doit s'amorcer. Le grand public est plus que jamais réceptif aux enjeux sanitaires et aux alternatives de mobilité individuelle. La quasi-absence de trafic permet de réaliser des travaux rapidement et d'améliorer ainsi la sécurité des personnes se déplaçant à vélo. Notre ambition ne peut se limiter à un simple retour à la situation d'avant-crise. Plus que jamais, le vélo peut constituer une solution performante pour les déplacements individuels... pour autant que nos décideurs politiques lui en donnent les moyens. 

Luc Goffinet et Florine Cuignet

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