Le Ministre wallon de la mobilité annonce des budgets impressionnants pour le vélo en 2025, à hauteur de 85 millions €. Mais il s'agit surtout là de moyens de paiements pour des projets déjà engagés. Par contre, l'enveloppe pour de nouveaux projets se réduit d'au moins 24 millions € en 2025. On peut bien sûr se réjouir que tout ce qui a été lancé dans un passé récent soit mené à bon terme. Mais la réduction à court terme des investissements réduit sérieusement les chances d'atteindre l'objectif wallon de 5% de déplacements à vélo en 2030 (vision FAST 2017).
Voici un résumé de ce que le Ministre a officiellement présenté au Parlement wallon ce mardi :
Le décodage de la communication ministérielle
Tout d'abord sous le vocable "mobilité active" on retrouve aussi les piétons et les fameux aménagements cyclo-piétons. Il ne s'agit donc pas toujours d'aménagements cyclables purs, séparés des piétons, tels qu'on en rencontre aux Pays-Bas ou en Flandre.
Ensuite le montant de 85 millions €, annoncé comme équivalent à celui de 2024, correspond en fait uniquement à des crédits de liquidation. Soit de l'argent frais pour payer les factures de tout ce qui a été engagé sous le précédent gouvernement.
C'est très bien qu'aucun projet vélo en cours ne soit jeté à la poubelle. Cependant, quand on passe à la loupe budgétaire les moyens d'action pour 2025, destinés à financer de nouvelles mesures et de nouveaux aménagements, on déchante un peu. On relève ainsi 10 millions € en moins pour les projets vélo du grand Plan Infrastructures wallon (PIMPT) et 9 millions € en moins pour les aménagements communaux.
Le Plan Wallonie cyclable (WaCy) voit lui ses moyens d'actions pour 2025 passer de 5 millions € à zéro.
Sans provision aucune donc pour des mesures qui émergeraient de sa mise à jour, prévue l'an prochain. Comment, par exemple, la communication publique sur le vélo se poursuivra-t-elle prochainement ?
Comment expliquer ces reculs sur les engagements 2025 ?
Avant d'engager de nouveaux moyens, le Ministre wallon de la mobilité souhaite évaluer le Plan WaCy de la législature précédente. Ce qui est compréhensible et conforme au décret de 2022, qui impose une mise à jour du plan en début de chaque législature.
Pour y arriver il a demandé à son administration (SPW MI) un rapport d'ici mars 2025 sur l'efficacité des mesures vélo actuelles. Le Ministre entend ensuite inviter tous les acteurs du monde du vélo, dont le GRACQ, à un "Printemps du vélo" en juin 2025. Le but de cette grande consultation est de déterminer les mesures les plus efficaces pour déclencher un vrai report modal vers le vélo. L'enjeu est de nourrir et enrichir la nouvelle mouture du plan WaCy.
On se réjouit bien sûr de cette consultation très large des acteurs du secteur. Toutefois cette concertation ne doit pas servir d'excuse au faible niveau des nouveaux engagements vélos de 2025, comme si on ne pouvait rien lancer en attendant que tout le monde soit d'accord... Or il y a pourtant des mesures et aménagements déjà concertés avec les acteurs dans le Plan WaCy 2020, comme des axes vélos évidents (N4, cyclostrades liégeoises) ou des chaînons manquants bien identifiés. De même, le stationnement vélo près des gares/points d'arrêts TC, des écoles, des hopitaux ne nécessite pas non plus de longue rediscussion.
Du côté des communes, le droit de tirage "modes actifs" (PiMaCi 2022-2024) est prolongé d'un an. A la demande de l'Union des Villes et des Communes d'ailleurs, vu la difficulté dans laquelle se trouvent pas mal de communes de lancer tous leurs projets vélo avant le 31 décembre.
Mais cela veut aussi dire que le prochain PiMaCi ne commencera qu'en 2026, au lieu de 2025 comme prévu. Cela pourrait signifier une année complète de subsides communaux "modes actifs" qui passerait à la trappe, à moins que ceux-ci ne soit inclus dans les droits de tirages "routes" classiques (PIC). Même la Cour des Comptes partage notre inquiétude :
La Cour des comptes constate que le soutien régional aux communes dans leurs investissements de mobilités actives risque à nouveau d’être modifié alors qu’elle recommandait, dans son rapport d’audit publié en 2022, de pérenniser la stratégie à adopter pour atteindre les objectifs de transport de transfert modal en 2030 et qu’un décret dans ce sens a été adopté le 24 novembre 2022. La Cour relève qu’aucun crédit n’est prévu pour une nouvelle programmation en 2025.
Et du côté de la sécurité routière ?
Une même volonté de concertation est exprimée par le ministre dans ce domaine. De nouveaux Etats Généraux Wallons de la Sécurité routière devraient être convoqués début 2025. Une périodicité normale, étant donné que les précédents se sont tenus en 2020.
Très bien, mais le contenu de la Déclaration de politique régionale wallonne 2024-2029 n'incite guère à l'optimisme en termes de mesures de sécurité ambitieuses, vu qu'elle mise beaucoup sur la prévention et la sensibilisation, sans toucher au coeur du problème. Comme par exemple les régimes de vitesse pratiqués en Wallonie et la tolérance (technique ou sociale) à leurs dépassements. Ainsi l'espoir de voir émerger une large extension du 30km/h en agglomération et du 70 (ou 80) km/h hors agglomération est très faible...
Quel avenir pour les associations wallonnes en mobilité ?
A l'instar des moyens de paiement régionaux, les subventions des associations en mobilité et sécurité routière sont maintenues à niveau pour 2025 (mais sans indexation). Un répit de courte durée, en attendant un cadre pluriannuel de subvention clair et protecteur. Mais dont les moyens seront très probablement revus à la baisse.
En conclusion, le GRACQ se réjouit des moyens alloués au financement des projets vélos en cours, ainsi que de la volonté de concertation affichée par le nouveau ministre wallon de la mobilité. Mais le faible niveau des nouveaux investissements en 2025 hypothèque sérieusement la réalisation de l'objectif officiel wallon de 5% de déplacements à vélo en 2030 (vision FAST).
En savoir plus
Projet de budget 2025 mobilité & infrastructures (Parlement wallon)
► La Cour des Comptes juge très sévèrement la politique vélo en Wallonie (2022)
► Un nouveau décret "Wallonie cyclable" (2022)
► Sécurité routière en Wallonie : des recommandations fortes (2020)