Sur de nombreux itinéraires cyclables, ce sont encore les pavés qui assurent le revêtement : ils offrent non seulement un confort médiocre, mais posent également des problèmes de sécurité, notamment dans les pentes. Pourtant, des solutions existent pour améliorer ce type de revêtement, tout en préservant cet aspect du patrimoine.
Qui n’a pas déjà fulminé à vélo sur les pavés ronds si chers à notre patrimoine local et en même temps si peu pratiques à l’usage du deux-roues ? Outre leur inconfort, les pavés rendent la pratique du vélo plus dangereuse — notamment lorsque le sol est humide — et soumettent notre organisme à des vibrations néfastes1. Ils rendent également le transport d'enfants ou des marchandises moins pratique... au point que certains usagers préfèrent éviter les portions pavées, quitte à s’écarter des itinéraires conseillés par la commune, puisque ces rues sont censées être plus apaisées.
On n'envisagerait pas de paver les principaux axes automobiles, mais cela ne semble pas être la même logique pour le vélo, à l’image de nombreux axes RAVeL et autres itinéraires cyclables privilégiant les pavés. Et ce alors même que les cyclistes subissent davantage les secousses que les automobilistes. C'est également ce que déplorait le GRACQ concernant les itinéraires cyclables dans l’hypercentre de Bruxelles.
Le patrimoine opposé à l’asphaltAGE des rues ?
Les services patrimoniaux régionaux s’opposent régulièrement au remplacement des pavés par une matière plus lisse, en invoquant le fait que ces pavés font justement partie du patrimoine local. Les cyclistes devraient donc continuer à circuler sur des pavés parfois très inconfortables voire dangereux, et qui rendent la pratique du vélo inaccessible à certains publics plus fragiles. Pourtant des solutions concertées avec ces services existent !
En Wallonie
On y trouve des solutions mises en place avec l’aval de l’Agence wallonne du Patrimoine dans les centres historiques de nos villes. C’est le cas notamment à Tournai, où une partie de la chaussée est "aplanie" sur sa largeur afin d’être plus confortable pour les deux roues :
La Sécurothèque abonde d'ailleurs en ce sens : "Au cœur de certaines agglomérations, où il faut préserver le patrimoine pavé et intégrer en même temps la circulation des cyclistes, il est possible de prévoir une bande de confort. Cet aménagement, perçu comme une bande cyclable suggérée grise, est accepté par l’Agence wallonne du Patrimoine."2
En région Bruxelloise
Le vadémécum régional s’appuie sur les mesures de confort établies par le Centre de Recherche Routière (CRR), contrôlant les vibrations et le confort de roulement. Le vadémécum réclame une note minimale de 5/10 pour qu’un revêtement soit jugé acceptable au roulement. Le Plan Régional de Mobilité se montre plus ambitieux encore pour les piétons, en imposant une note minimale de 6/10, et même de 8/10 en ce qui concerne les axes piétons "PLUS" et "CONFORT".
Techniquement, rien ne s’oppose à la mise en place de bandes de confort (pavés sciés ou bande de béton/asphalte), préservant ainsi l'aspect patrimonial de la majeure partie de la chaussée et permettant un usage adapté pour les cyclistes.
Mise en pratique
Les pavés sciés seront privilégiés dans les espaces partagés avec les piétons et dans les zones piétonnes
Les pavés sciés peuvent être considérés comme un compromis entre l'aspect patrimonial et l'aspect fonctionnel.
C’est une solution néanmoins plus coûteuse, et un soin particulier devra être apporté au jointage des pavés qui peut se réduire avec le temps et rendre le passage moins confortable.
La matière de ces pavés doit elle aussi faire l'objet d'une attention particulière : les pavés en pierre bleue restent très glissants en l'absence de traitement anti-dérapant.
Des bandes de confort, fonctionnant comme des bandes cyclables suggérées, seront privilégiées sur les chaussées partagées avec les voitures
Ces bandes de confort ont l’avantage d’indiquer clairement aux cyclistes leur position sur la chaussée. On pourra y ajouter des pictos vélo pour une meilleure visibilité et compréhension de la circulation. Ces bandes devraient aussi suivre les recommandations émises pour les bandes cyclables suggérées, en prêtant notamment attention à éviter des bandes :
- trop étroites (ce qui rend difficile de tenir sa direction),
- trop proches des extrémités de la chaussée (stationnement longitudinal, etc).
Aussi dans les contresens cyclables
Dans ces contresens, l’aplanissement des pavés ou l'asphaltage sur la partie où se positionne le vélo rappelle à l’automobiliste le passage de cyclistes en sens inverse, tout en faciliant la pose et la tenue de marquages cyclistes.
Exemple ci-contre à Strasbourg :
Conclusions
Ces recommandations devraient devenir la norme dans le cadre de la création d'un nouvel itinéraire cyclable, les outils mis à disposition par les deux régions pouvant déjà répondre - en partie - aux exigences des usagers. Un dispositif fiable et objectif pourrait également être introduit dans le cadre de la mise en place d'un observatoire wallon pour le vélo.
Ces dispositions auront des effets bénéfiques sur la sécurité et le confort d'usage des cyclistes. Mais aussi pour les piétons et personnes à mobilité réduite dans les espaces partagés.
Alexandre HAGENMULLER
1Revêtement cyclable : l'impact sur notre système nerveux | GRACQ
2Points d’attention dans les aménagements cyclables - Revêtements - Sécurothèque
Ressources
► La bande cyclable suggérée - Sécurothèque
► Revêtements des aménagements cyclables - Bruxelles Mobilité
► Code de bonne pratique pour la conception et l'exécution de revêtements en pavés de béton | CRR
► Etude sur la qualité d’usage des revêtements piétons en pierres naturelles en Région de Bruxelles-Capitale | CRR