Les différentes mobilisations auront été vaines : ce vendredi 4 octobre, le Parlement bruxellois a voté le report de deux années du jalon 2025 de la zone de basses émissions (LEZ). Les véhicules diesel Euro 5 pourront continuer à rouler dans la capitale jusque 2027. Une décision qui inquiète fortement, car ce report ne s'assortit d'aucune mesure d'accompagnement pour les automobilistes concernés.

Lettre ouverte soutenue par le secteur médical, enterrement de la qualité de l'air, mobilisation aux portes du parlement bruxellois... rien n'y aura fait : les députés bruxellois ont entériné le report de deux ans du jalon 2025 de la zone de basse émission, porté par le MR, le PS et les Engagés. Un report de calendrier qui suscite énormément d’inquiétudes du côté de la société civile. Au-delà de la méthode — aucune consultation n'a eu lieu avec le secteur de la santé, la société civile, les habitants des quartiers les plus impactés, ou encore avec les instances plus officielles comme la Commission régionale de Mobilité — les conséquences sanitaires d'une telle décision interpellent. 

Mobilisation citoyenne en faveur du maintien du calendrier de la LEZ

La santé est notre bien le plus précieux. La mauvaise qualité de l'air représente plus de 10% de la mortalité dans la capitale, toutes causes confondues.

La qualité de l’air s’est améliorée ces dernières années grâce à la zone de basses émissions, dont le calendrier avait été fixé en 2018, à l’initiative de la ministre de l'Environnement de l'époque, Céline Fremault (Les Engagés - anciennement cdH). Mais le travail est loin d’être achevé : "L'air que nous respirons à Bruxelles provoque de nombreuses pathologies", rappellent les collectifs et les associations qui se sont mobilisés pour le maintien du calendrier. Certes, il s'agit pour le moment de reporter le jalon 2025 et non le calendrier complet de la LEZ. Certes, la pollution de l'air ne va pas s'aggraver. Mais cela ne signifie pas que cette décision est sans conséquence pour notre santé. "En plus de ne pas être respectées, les normes en vigueur actuellement ne protègent pas totalement la santé. Ce report ne fera qu’aggraver le problème. La santé est notre bien le plus précieux."

"Les arguments scientifiques mettant en lumière les effets néfastes d’une mauvaise qualité de l’air s’accumulent sans que cela n’émeuve les représentants politiques bruxellois. Les instances internationales comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne cessent de rappeler que la pollution de l’air est l’une des plus grandes menaces pour la santé humaine". Rien qu’à Bruxelles, 900 personnes meurent chaque année prématurément en raison de la mauvaise qualité de l’air. Soit plus de 2 décès par jour et plus de 10% de la mortalité dans la capitale, toutes causes confondue [1].

L’exposition prolongée aux particules fines et aux oxydes d’azote est un facteur clé de maladies chroniques. Les effets sont connus et documentés : asthme, allergies, infections pulmonaires, atteintes neurologiques, retard de développement chez les enfants, problèmes cognitifs, dépressions... Et on observe que ce sont les quartiers les plus précarisés qui sont les plus impactés par cette mauvaise qualité de l’air et ses conséquences sanitaires.

Une simple remise à plus tard ?

"Ce report n’a aucune ambition sanitaire ou volonté d’améliorer le caractère de justice sociale de la LEZ, s'inquiètent encore les collectifs citoyens. Il ne fait que remettre le problème à plus tard, car le texte ne prévoit rien pour aider les automobilistes concerné·e·s à changer de véhicule ou à s’en passer. Les automobilistes concerné·e·s qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule sont laissé·e·s à leur sort. Et les Bruxellois·es dans leur ensemble auront à encaisser pendant deux années supplémentaires les émissions toxiques de milliers de véhicules ultra-polluants qui resteront en circulation." En effet, si les véhicules diesel Euro 5 représentent 20% des véhicules en circulation en région bruxelloise, ils sont par contre responsables de 40% des émissions d'oxydes d'azote du parc automobile [2].

"Le véritable enjeu, c’est de proposer des mesures d’accompagnement pour venir en aide aux publics qui ont réellement besoin du soutien des institutions publiques. La pollution de l’air n’est pas une fatalité, des mesures existent pour l’améliorer et la LEZ est un instrument crucial dans cette démarche. Le report n’apporte aucune solution structurelle à la pollution de l’air".

L'impact financier de cette décision a également été pointé du doigt. Car la pollution de l’air se paie cash. En 2018, ce coût a été évalué à 1,6 milliard d’euros en région bruxelloise [3], soit 1 400€ par Bruxellois·e pour cette seule année. Et ce report pourrait encore alourdir la facture, jusqu'à 19 millions d’euros en permis d’émission, selon un rapport de Bruxelles Environnement [4]. Car Bruxelles ne sera alors plus en capacité de tenir ses engagements européens en matière climatique, pas plus qu’en matière de qualité de l’air.

► Zone de basse émission : gardez le cap ! [ Lettre ouverte, Le Soir, 16/09/2024 ]

[1] Andrieux J., Eggen M., Bouland C. État des connaissances sur les liens entre environnement et santé en Région de Bruxelles-Capitale, Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, 2020.
[2] https://environnement.brussels/pro/nos-actions/plans-et-politiques-regionales/remote-sensing-ou-teledetection-un-outil-de-mesure-des-emissions-des-vehicules-en-conditions-reelles
[3] Health costs of air pollution in European cities and the linkage with transport, Delft, CE Delft, Octobre 2020. 
[4] https://www.lesoir.be/623416/article/2024-09-18/bruxelles-reporter-la-lez-peut-faire-derailler-les-objectifs-climatiques-et-de 

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