La micromobilité (trottinettes, monoroues, ...) se développe rapidement dans nos villes. Mais avec qui entre-t-elle en concurrence : le vélo, la voiture, les transports en commun ou la marche à pied ? Quelles sont les convergences avec le monde du vélo ? Voici un résumé des réflexions et de la position du GRACQ à ce sujet.

Micromobilité : l’avis du secteur

Clément Magos (MIMOC)Clément Magos (Micro Mobility Center)

Un engin de déplacement (ED) navigue entre deux mondes, mais est malgré tout plus proche des cyclistes que des piétons.

Le cadre législatif belge est très favorable au développement rapide des ED en Belgique. A contrario, la France et l’Allemagne finalisent actuellement leurs législations, tandis qu’en Irlande et en Grande-Bretagne les engins motorisés de micromobilité sont encore interdits sur la voirie.

Il faut faire attention de ne pas ramener la micromobilité au seul phénomène du free floating. En comparaison, si on assimilait le vélo uniquement à ceux en libre service sans stations, que l’on abandonne sur les trottoirs ou à l’état d’épaves, son bilan écologique et social ne serait pas très positif. L’électrification des ED pose par ailleurs les même questions que celle des vélos : vitesse, cohabitation, effort physique moindre, batteries...

Il existe aussi dans tout nouveau marché des immaturités : faible qualité, obsolescence rapide, mésusages, non durables. Le secteur en est à ses débuts et des améliorations sont tout à fait possibles et souhaitables.

Nous considérons que les ED sont complémentaires au vélo. Sur certains déplacements le vélo est plus pratique, tandis que sur d’autres, notamment en combinaison avec les transports en commun, les ED trouvent leur avantage compétitif. Par ailleurs, la micromobilité est aussi une porte d'entrée vers le vélo pour des usagers qui n'y étaient jusqu'alors pas sensibles.

Le secteur automobile et des grandes multinationales sont en train de s'approprier la micromobilité. Il serait dommage que celle-ci ne soit pas aussi récupérée par les associations citoyennes de mobilité alternative.

Micromobilité : l’avis d’un expert environnemental

Jonas Moerman (ecoconso)Jonas Moerman (Ecoconso asbl)

Bruxelles Mobilité a mené cet été une enquête sur la pratique des trottinettes électriques dans la capitale, personnelles ou partagées, avec un bon millier de répondants. Le profil des usagers est surtout urbain, masculin (⅔), jeune (25-34 ans), employé/cadre, éduqué (3/4 enseignement supérieur).

Les déplacements sont assez variés : travail, loisirs, école… Ils se substituent essentiellement aux transports en commun (70%) et à la marche à pied (44%). Moins à la voiture/moto (26%), au taxi (18%) ou au vélo (20%). Toutefois ceux qui possèdent leur propre trottinette ont tendance à remplacer un peu plus de trajets en voiture avec elle (44%).

Le premier désagrément cité est la qualité du revêtement (trous, bordures, pavés…). En second lieu la cohabitation automobile (insécurité, portières…). C’est pourquoi ces utilisateurs souhaitent à 88% rouler sur des pistes cyclables !​ Les principaux freins cités ensuite sont le comportement des autres usagers, le coût, les intempéries et le transport d’objets.

La moitié du bilan carbone des trottinettes électriques est dû à leur fabrication. L’autre moitié au rechargement nocturne (pour celles en libre service). La durée de vie des trottinettes partagées et leur utilisation (km/jour) est donc essentielle pour calculer leur impact écologique. C’est pour cela que leur bilan actuel peut être très mauvais !

Les ED apportent cependant un plus à la mobilité. Et à un moindre coût financier et écologique que la voiture électrique, où on a plusieurs centaines de kilos de batteries (à comparer aux quelques kilos de batteries des ED et des vélos électriques). On reproche aussi aux trottinettes de trainer partout en ville. Mais on ne reproche pas cette occupation de l’espace… à la voiture. Quand une voiture se déplace à 50km/h en ville, elle occupe 140m2 !

Positions des associations cyclistes étrangères sur la micromobilité

Le monde du vélo n’a pas encore de positions arrêtées vis-à-vis de la micromobilité. On y relève, par rapport à elle, trois types d'attitudes.

Un courant positif, de soutien

On le rencontre dans les pays où la part des déplacements à vélo est très faible. Isolés, les cyclistes voient dans les usagers de la micromobilité des alliés pour réclamer les premiers aménagements cyclables. C’est le cas de la « Bike Coalition » de San Francisco, ou « Cyclist.ie » en Irlande, où les engins de déplacement motorisés sont toujours interdits. Une enquête publique nationale y est en cours et l’association vélo irlandaise soutient leur légalisation.

Un courant négatif, de rejet

C’est dans les pays où le vélo est déjà bien présent dans l’espace public que l’on rencontre le plus de réticences à accueillir de nouveaux arrivants sur la voirie. Aux Pays-Bas et au Danemark les attitudes vis-à-vis des nouveaux engins de mobilité sont plutôt négatives. Ils sont perçus comme des concurrents à l’intérieur d’un espace étroit déjà fort encombré par les cyclistes eux-mêmes. On y voit aussi des bénéfices moindres pour la santé et une source d’accidents supplémentaires pour les cyclistes, amenés à partager les mêmes infrastructures.

Un courant neutre

Dans la majorité des pays où le vélo se développe, mais sans encore dominer l’espace public, on oscille entre les craintes concernant la santé, les accidents et l’encombrement de l’espace public par la micromobilité, et l'enthousiasme de décrocher de nouveaux alliés pour réclamer plus d’aménagements cyclables, de meilleurs revêtements et moins de pression automobile.

Soirée débat sur la micromobilité (2019)

  • Jonas Moerman, Ecoconso

  • Clément Magos, Micro Mobility Center

  • Diego Eggermont, Espaces Mobilités

  • Aurélie Willems, GRACQ

Position du GRACQ sur la micromobilité

Le GRACQ suit le développement de la micromobilité avec beaucoup d’attention. Si nous condamnons certaines dérives du système de free floating, la micro-mobilité peut néanmoins contribuer à diminuer la pression automobile dans nos centres urbains, à laquelle nous aspirons tous.

Une action commune, sur certains points de convergence, permettrait d’augmenter le poids de nos demandes pour, par exemple, obtenir un partage plus équitable de l’espace public en faveur des modes actifs, des pistes cyclables sécurisées, séparées à la fois du trafic motorisé et des piétons, des cheminements sans obstacles et en très bon état.

En conséquence le GRACQ s'associera aux acteurs de la micromobilité à chaque fois qu’un enjeu commun sera identifié et qu’une réaction commune se révélera opportune pour faire avancer plus efficacement les objectifs de notre association.

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