Les projets de cheminements cyclables indurés (béton/asphalte) en zone rurale sont de plus en plus contestés. Malgré un impact sur l'environnement infiniment moindre que n'importe quel autre projet d'urbanisation hors agglomération (contournements, lotissements, grandes surfaces, zonings économiques), les pistes cyclables ont de plus en plus de mal à se frayer un chemin dans les campagnes. Au détriment souvent, hélas, de la mobilité active.
Plusieurs soucis sont régulièrement évoqués par les opposants aux projets cyclables dans les campagnes : artificialisation des sols, perte de biodiversité, dégradation des paysages... Bien sûr, comme toute infrastructure humaine un aménagement cyclable a un impact sur l'environnement. Toutefois, il est faible comparé à ceux d'autres projets, notamment routiers. En 2021, le bureau d'études français BLEvolution a ainsi objectivé les choses :
Les infrastructures cyclables sont très loin d’être un moteur de l’artificialisation des sols (0,20 % des surfaces artificialisées). Comparées aux autres projets d’aménagement (zones d’activités économiques, autoroutes, extensions d’aéroport), les pistes cyclables représentent une part infime de l’artificialisation en France. Même avec le scénario de développement du vélo le plus ambitieux couplé à une trajectoire "Zéro Artificialisation Nette" en 2050, cette part resterait toujours très minime (0,60% de l’ensemble des surfaces artificialisées).
Ce calcul est tout aussi valable en Wallonie, qui connait le même taux (faible) d'aménagements cyclables sur son sol qu'en France.
Quelles alternatives ?
Vu le coût de tout nouvel aménagement, on ne fait jamais celui-ci à la légère. S'il existe une alternative de qualité existante, plutôt que de créer quelque chose de coûteux, elle est en général retenue. Encore faut-il s'entendre sur ce qu'est une solution bis "qualitative" ? Pour maximiser les déplacements à vélo, un cheminement cyclable doit respecter les critères suivants : il doit être le plus court possible, présenter le moins de relief, avoir un revêtement confortable (induré) et être très sécurisé. Toutes ces conditions de confort et de sécurité sont indispensables pour permettre à tout le monde de se déplacer un maximum à vélo.
Les détours de plusieurs kilomètres, les revêtements non indurés, les côtes à franchir, les routes sur lesquelles on ne peut pas circuler en sécurité ne sont pas des alternatives de qualité. Dans certains cas, le réaménagement d'un chemin existant (chemin agricole ou forestier, ancienne voie de tram ou ferrée) est la seule option pour donner une véritable solution rapide, efficace et sécurisée à la mobilité active.
Oui, mais l'écologie dans tout ça ?
En ce qui concerne l'imperméabilisation des sols le bureau BLEvolution relève ceci :
La nature des infrastructures cyclables pose moins de problèmes que des infrastructures routières classiques : elles sont moins larges (3 m) donc la zone d’étanchéité créée par l’aménagement est beaucoup plus réduite que dans le cas d’une infrastructure routière. L’absence de motorisation évite aussi tout rejet de polluants sur la chaussée et dans l’eau rejetée en bordure de voie cyclable. La gestion écologique des écoulements en bordure de voie cyclable est aussi plus simple : une simple évacuation par tranchée drainante (fossé) suffit dans la plupart des cas.
Le bureau d'études continue plus loin sur les revêtements indurés, souvent critiqués :
Les matériaux "stabilisés" sont généralement associés à une image plus écologique que des matériaux classiques (bitume, enrobés...). Pour autant, ils sont loin d’avoir un moindre impact sur l’environnement et desservent largement le développement du vélo pour des pratiques régulières et quotidiennes. En matière de gestion des écoulements, le stabilisé participe presque autant à l’imperméabilisation des sols qu’une couche d’enrobé. Là où l’enrobé peut être considéré comme relativement inerte, un matériau stabilisé peut entraîner, sous l’effet des précipitations, un relargage du matériau de la couche de roulement dans l’environnement qui sera plus ou moins impactant en fonction du matériau utilisé... Les matériaux "stabilisés" sont également plus chers si on intègre leur entretien plus régulier.
On peut admettre qu'un revêtement induré de 3m de large ait un impact paysager. Mais il existe des solutions pour réduire son empreinte visuelle, les bi-bandes et les mono-bandes :
A noter qu'en cas de forte fréquentation de l'aménagement, le confort d'usage peut se restreindre.
En ce qui concerne la perte de biodiversité on peut lire ceci dans le même rapport :
Concernant la fragmentation des écosystèmes, un aménagement cyclable reste très perméable au déplacement des espèces et les collisions sont quasi nulles avec la faune contrairement à une infrastructure routière classique. Agrémenter la création d’une nouvelle voie cyclable par des zones végétalisées (exemple des haies) peut au contraire se montrer dans certaines conditions (anciens espaces ouverts) positifs pour la revalorisation de certaines trames, mais aussi pour les paysages.
Près de Dour, dans la traversée du bois d'Angre, un milieu naturel très sensible a vu l'implantation d'un RAVeL sur caillebottis pour préserver une mare qui s'y était créée. Cet aménagement a permis à une "voie verte" de ne pas perturber la faune et la flore qui s'y sont développées. On peut donc combiner mobilité douce et écologie.
En dotant les zones rurales d'aménagements cyclables hautement qualitatifs (directs, rapides, sécurisés et confortable) le vélo donne la possibilité aux populations qui y vivent de se déplacer autrement. En réduisant - même légèrement - l'utilisation de la voiture dans ces zones, l'aménagement vélo diminue la pollution globale et locale due aux transport (y compris sonore). Au point d'effacer sa (faible) dette écologique, inévitable pour tout aménagement.
Luc Goffinet
En savoir plus
► Un aménagement cyclable induré en milieu rural est-il contre nature ? (Canopea)