La campagne européenne "Clean Cities" bat son plein. L'enjeu de la pétition, adressée à la Présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen, est d'obtenir l'interdiction, d'ici 2030, de la vente des véhicules thermiques neufs (diesel, essence, gaz) au sein de l'Union européenne.
La mauvaise qualité de l'air occupe régulièrement l'actualité, en raison de ses impacts désastreux sur la santé. La pollution de l'air cause chaque année 400.000 décès prématurés en Europe, dont plus de 9.000 en Belgique. La pollution atmosphérique coûte au Belge 2 ans d'espérance de vie en moins. Son rôle aggravant dans la mortalité liée au COVID a encore souligné, si besoin était, l'urgence de la situation et la nécessité de prendre des mesures fortes pour répondre à cet enjeu sanitaire.
Les cyclistes sont directement concernés par cette polution de l'air, qu'ils respirent quotidiennement sur leurs trajets. En Belgique, 61% des personnes qui utilisent le vélo estiment que la qualité de l'air sur leur trajet n'est pas bonne, un pourcentage qui s'élève à 79% en ce qui concerne les cyclistes bruxellois !1
Des zones de basses émissions voient le jour dans les grandes villes, afin de bannir les véhicules les plus polluants. Si le transport routier n'est pas seul responsable de la dégradation de la qualité de l'air, il y contribue clairement : tout particulièrement en ce qui concerne les émissions de NOx, extrêmement nocives pour les voies respiratoires. Les voitures et camionnettes représentent en outre la 3e source d'émission de gaz à effet de serre au niveau européen.
En région bruxelloise, le gouvernement vient de s'accorder, conformément à son accord de majorité, sur l'interdiction de la circulation des véhicules diesel au plus tard pour 2030, et des véhicules essence et LPG au plus tard pour 2035. Un calendrier trop peu ambitieux, pointe l'asbl Les chercheurs d'air : "la sortie du diesel d’ici 2025 et de l’essence d’ici 2030 est possible. Des villes bien plus grandes que Bruxelles s’y sont engagées et sont en bonne voie pour y parvenir"2. L'asbl s'appuie sur les exemples de Londres, Amsterdam, ou encore de la Métropole du Grand Paris.
Signer la pétition ? L'avis de nos fédérations
Le mois de juillet est un moment clé : nos responsables politiques auront l'opportunité de prendre des mesures décisives au niveau européen. Afin d'encourager des mesures ambitieuses, la pétition Clean Cities réclame que l'UE interdise pour 2030 au plus tard la vente de voitures et de camionnettes neuves fonctionnant à l'essence, au diesel ou au gaz, y compris les véhicules hybrides.
Ne maîtrisant pas tous les tenants et aboutissants d'une telle proposition, le GRACQ a consulté ses fédérations. Il s'avère que les avis sont partagés.
Inter-Environnement Bruxelles (IEB) et Inter-Environnement Wallonie (IEW) n'ont pas souhaité être partenaires. "Parler de voitures "zéro émission", cela revient à soutenir la voiture électrique sans le dire explicitement, explique IEB. Si l’électrification du parc automobile constitue une bonne chose pour la qualité de l’air, cela ne change rien à la place accordée à la voiture en ville. Cela équivaut en outre à un déplacement de la pollution dans les pays où l’extraction des métaux rares se fait pour la confection des batteries (non recyclables pour le moment), et induit une nouvelle demande d’énergie qui ne peut se faire qu’en ayant recours au nucléaire." IEB regrette donc que le soutien au développement de la voiture électrique ne s'inscrive pas dans une perspective plus large de diminution du recours à la voiture individuelle, d'encouragement de la mobilité partagée et des voitures légères (LISA car), ainsi que le prône IEW. IEB évoque également un certain malaise à se voir associée à certaines fondations privées qui soutiennent, indirectement, la campagne.
Le texte de la pétition se concentre exclusivement, il est vrai, sur un changement de technologie. Or remplacer l'intégralité du parc automobile actuel par des véhicules électriques n'a pas de sens : c'est cette absence de réflexion autour du shift modal qui a décidé la fédération européenne des cyclistes (ECF) à ne pas rejoindre la liste des signataires.
Le BRAL marque au contraire son soutien officiel à la pétition. Loin d'avancer avec des œillères, la fédération, très impliquée dans les projets de qualité de l'air en région bruxelloise, aborde la question sous un angle un peu différent. Les véhicules à moteur thermique émettent des NOX, ce qui contribue aux maladies pulmonaires et à la crise climatique. Pour ces raisons, le BRAL estime logique de soutenir la demande adressée à la commission européenne. La fédération n'en adopte pas moins une position très claire quant à la nécessité de réduire le parc automobile, une revendication qui n'entre absolument pas en contradiction avec le texte de la pétition. "Dans cette perspective, explique le BRAL, nous continuerons à plaider pour la mise en œuvre d'un péage urbain au niveau régional. Nous continuerons également à réclamer la suppression des voitures salaires plutôt que leur simple "verdurisation"".
Pour en savoir davantage sur la campagne Clean Cities ou signer la pétition :
Florine CUIGNET
1. "Thermomètre cycliste", enquête 2017, GRACQ & Fietsersbond.
2. "Il faut un plan plus ambitieux pour combattre la pollution de l’air à Bruxelles" - Carte blanche de Pierre Dornier dans Le Soir (25/06/2021).