En 2018, la commune de Schaerbeek profite de travaux de réasphaltage sur la rue Navez pour y aménager deux bandes cyclables suggérées de couleur ocre. L'intention est bonne, puisqu'il s'agit de renforcer la sécurité des cyclistes sur cet axe. Dans la pratique, l'aménagement ne correspond pourtant pas aux standards régionaux. Avant de reproduire l'initiative, une évaluation s'imposait donc.
Lors de la réalisation de ces bandes cyclables suggérées (BCS) de couleur ocre, les cyclistes du GRACQ ont relayé des interrogations très légitimes : quant au choix de l'aménagement lui-même (peu adapté au volume de trafic qui circule à cet endroit), quant à la couleur ocre (utilisée en région bruxelloise pour les aménagements cyclables séparés du trafic), ou encore quant à la compréhension de l'aménagement, au vu de son caractère atypique en région bruxelloise (l'uniformité des aménagements est une composant importante d'un réseau cyclable).
Le rapport d'évaluation
La Région a donc commandé une évaluation de l'aménagement, dont voici les principales conclusions.
Sur un plan technique, le rapport souligne le soin apporté à la réalisation des deux bandes en asphalte ocre, et donc au confort de roulage des cyclistes (contrairement à l'utilisation de peinture qui peut s'avérer glissante). Il apparaît toutefois que la couleur ocre s'est rapidement ternie sous le passage des véhicules : à l'heure actuelle, on distingue à peine l'ocre de l'asphalte classique de la chaussée.
Le rapport a également évalué l'aspect fonctionnel de l'aménagement.
- Les bandes ocre n'ont apparemment pas d'impact sur la vitesse du trafic motorisé (sensiblement plus élevée que la limitation de 30 km/h en vigueur), mais on note par contre un léger impact positif sur les distances latérales de sécurité (bien que seuls 50% des automobilistes respectent la distance minimale d'1m lors d'un dépassement).
- En comparaison d'un marquage classique (alternance de logos vélo et de chevrons blancs), les cyclistes ont tendance à mieux respecter l'écart de sécurité le long des voitures en stationnement, ce qui réduit le risque d'emportiérage.
- Cyclistes comme automobilistes sont mitigés par rapport à l'aménagement et à son impact. Ils sont pourtant une majorité à déclarer préférer ce type de marquage par rapport au marquage traditionnel.
- Les règles de circulation relatives à cette BCS ne sont pas connues de tous les usagers, notamment au niveau des carrefours à priorité de droite où la continuité des bandes ocre peut induire une certaine confusion.
Bandes cyclables suggérées : rappel du codeLes bande cyclables suggérées (BCS) sont généralement matérialisées par du marquage (couleur, succession de chevrons ou de logos). Là où il n'est pas possible de réaliser des pistes cyclables, les BCS permettent malgré tout d'attirer l'attention de l'automobiliste sur la présence de cyclistes, et de suggérer au cycliste sa place sur la chaussée. Au contraire des pistes cyclables, elles n'ont qu'une valeur indicative : leur utilisation n'est pas obligatoire. Elle font partie intégrante de la chaussée : les automobilistes peuvent donc circuler dessus, s'arrêter ou stationner. |
Quelles recommandations ?
Le rapport prévoit une série de recommandations relatives à ce type d'aménagement :
- La BCS ocre doit être interrompue dans les carrefours à priorité de droite.
- Ce type d'aménagement doit être évité sur les tronçons où des remontées de files sont régulièrement constatées (risque d'emportiérage accrû).
- En présence de stationnement, il est recommandé de réaliser une ligne de démarcation entre la zone de parking et la chaussée.
Faut-il généraliser ces bandes cyclables suggérées ocre ?
La question doit se poser au niveau régional à tout le moins, si l'on souhaite préserver une bonne cohérence des aménagements cyclables (ce qui garantit une meilleure compréhension de la part de tous les usagers).
La matérialisation de BCS en asphalte ocre ne soulève pas de contre-indication, à condition de respecter certaines recommandations et de communiquer sur les règles d'application. Néanmoins, les avantages semblent relativement limités, d'autant plus si l'on considère le ternissement rapide de la couleur ocre.
Enfin, dans le cas précis de la rue Navez, le rapport met en lumière l'inadéquation de l'aménagement par rapport au trafic motorisé important qui circule sur l'axe : 85% des cyclistes interrogés auraient préféré une piste cyclable marquée ou aménagement séparé du trafic.