La convention Villo liant la région bruxelloise et JCDecaux arrive bientôt à son terme. À l’heure où les enjeux environnementaux, démocratiques, de santé et sociaux s’intensifient, des voix s’élèvent pour réclamer que la fin de cette convention soit aussi l’occasion de questionner la place de la publicité dans l’espace public. Une démarche à laquelle se joint le GRACQ.
De plus en plus de citoyen·ne·s concerné·e·s se mobilisent contre les publicités dans l’espace public, dénonçant ses nombreux impacts négatifs. Le collectif "Bruxelles sans pub" profite de l’opportunité que représente la fin du contrat avec JCDecaux, pour réclamer un réel débat démocratique sur la présence de la publicité dans nos rues et ses effets désastreux.
Une pétition a été introduite au Parlement de la Région bruxelloise, afin de demander la réduction drastique des publicités dans les rues de Bruxelles et, en particulier, un système de vélos partagés cohérent et libre de publicités commerciales. Elle a facilement dépassé les 1000 signatures nécessaires pour lancer le débat sur les bancs parlementaires.
En savoir plus sur la pétition > Bruxelles sans pub
- La publicité coûte à la collectivité
- La pub nuit à l'environnement
- La pub nuit à la santé
La pub met en péril la sécurité des usagers et encombre la ville
Pourquoi le GRACQ relaie la pétition initiée par le collectif "Bruxelles sans pub" ?
La publicité coûte à la collectivité
La contribution de la publicité aux finances publiques est souvent l’argument ultime pour justifier les contrats avec des publicitaires. Il est indéniable que les montants en jeu sont imposants en termes absolus. Toutefois, il convient de rapporter ces montants à l’ensemble du budget d’une Ville et des coûts sociaux de la publicité.
En effet, la publicité produit des externalités négatives (c’est-à-dire qu’elle a des répercussions directes ou indirectes, volontaires ou involontaires sur la société) dont le coût pour la collectivité est plus important que la valeur qu’elle crée. Une étude britannique a évalué que pour 1£ de valeur créée par la publicité, celle-ci détruisait 11,5£ de valeur. En d’autres termes, quel que soit le montant perçu par la ville pour un contrat publicitaire, le coût des répercussions (environnementales, sociales, sanitaires, de développement local etc) est onze fois supérieur.
Réparer les corps et la planète que le matraquage publicitaire contribue à détruire coûte nettement plus à la collectivité que ce que ne rapportent les contrats avec les multinationales publicitaires. Anticiper ces coûts que devra supporter la société relève de la responsabilité des autorités politiques. De plus, il s’agit de nuancer cet apport si crucial aux caisses publiques : à Bruxelles, la convention Villo! bénéficie de beaucoup d’exemptions fiscales qui équivaut à un manque à gagner de 4 à 15 millions d’euros pour la Région et les communes confondues.
Le fait que les pouvoirs publics ne peuvent pas prendre en considération ces éléments à leur juste mesure et que l’argument économique soit l’unique justification constituent un véritable problème démocratique. Les contrats de mobilier urbain constituent une forme de privatisation de services publics. Il appartient aux forces politiques de bonne volonté d’envisager la suppression de la publicité à la fois comme une remise en cause des mesures d’austérité mais également de prendre au sérieux les alternatives possibles à l’intérieur du cadre budgétaire prédéfini. La ville de Grenoble a montré en 2014 que l’abandon des revenus publicitaires implique un examen sérieux des options disponibles pour en modérer l’impact. Dans ce cas précis, le manque à gagner a pu être compensé en réduisant les dépenses de protocole et en supprimant les voitures de fonction de certain·e·s élu·e·s.
La pub nuit à l’environnement
Comme l’indique le GIEC dans son dernier rapport, une régulation de la publicité est nécessaire pour lutter efficacement contre la destruction du vivant. C’est à ce titre que les responsables politiques soucieux de préserver la planète se doivent d’agir. Depuis 2008, la Région bruxelloise a signé un contrat avec JCDecaux : des vélos contre 649 affiches dont 215 écrans digitaux.
D’un côté, les dispositifs publicitaires en rue engendrent une consommation d’énergie non nécessaire, particulièrement à l’heure des crises énergétiques, et génèrent une pollution lumineuse indéniable via un éclairage permanent ou nocturne. Ce phénomène est décuplé dans le cas des écrans vidéo : en effet, selon un rapport de l’agence française ADEME de 2020, la consommation annuelle d’un écran publicitaire numérique de 2m² est presque équivalente à la consommation moyenne d’un ménage français.
De l’autre côté, les campagnes publicitaires de masse promeuvent souvent les marchandises les plus polluantes et encouragent des comportements qui tendent à la surconsommation et au gaspillage.
Même lorsqu’elles utilisent le langage du développement durable, elles ne cherchent en réalité qu’à nous faire acheter davantage sans que le besoin n’existe réellement. C’est un mécanisme intrinsèque au média publicitaire : il existe pour pousser à la consommation et pour légitimer cette consommation, et ce même quand elle n’est en rien utile ou nécessaire. Considérant les enjeux environnementaux, si l’on espère un changement plus important dans la consommation des individus, il faut pouvoir s’attaquer au système publicitaire qui l’influence grandement.
Dans la perspective de réduire notre consommation d’énergie fossile, la nécessité de développer la mobilité douce est aujourd’hui une évidence et nous saluons la volonté de la Région d’avancer en cette direction. Mais lorsque cela se fait en échange de publicités vantant de nombreux produits polluants et créant des désirs de (sur)consommer, la cohérence de la démarche en prend un sérieux coup. Bref, la publicité va à l’encontre de toute la logique écologique.
La pub nuit à la santé
Diverses études démontrent que la publicité a des effets néfastes sur la santé, tant physique que mentale : stress, obésité, anorexie, angoisse... La publicité s’insinue dans notre quotidien au point d’être qualifiée de véritable matraquage : TV, radio, téléphone, internet, matériel, Horeca, autobus et métro, sacs, vêtements, affichage sauvage, panneaux lumineux et déroulant, voire animés, bâches et écrans géants...
Dans notre société, chaque personne serait exposée quotidiennement à plus de mille publicités (1.200 à 2.200 publicités en moyenne). L’exposition constante aux messages publicitaires sur-stimule notre activité neurologique, nous épuise, nous angoisse et nous rend malades. Les enfants et les adolescent·e·s, plus vulnérables car leur système nerveux est encore en développement, représentent une cible de choix pour les annonceurs et voient leur santé grandement impactée par la pub.
Dans ce sens, le Conseil Supérieur de la Santé a publié un rapport édifiant en août 2022 préconisant la réduction de l’exposition des enfants, y compris les adolescent·e·s, aux aliments malsains par le biais des médias et du marketing en Belgique. Il dénonce notamment l’absence de système de contrôle du marketing alimentaire en Belgique et énonce une série de recommandations afin d’interdire tout bonnement les publicités d’aliments malsains sur les lieux fréquentés par les enfants et adolescent·e·s et les canaux de diffusion qui peuvent les atteindre. À ce jour, aucune mesure n’a été mise en place pour éradiquer ce type de publicité dans l’espace public.
La pub met en péril la sécurité des usagers et encombre la ville
Les panneaux publicitaires sont installés de manière à maximiser la visibilité des annonces qui y sont diffusées, souvent au détriment du confort des usager·e·s. Ils encombrent les trottoirs en gênant la mobilité des piétons, particulièrement des personnes à mobilité réduite ou des poussettes. La sécurité des usager·e·s de la route est également mise en danger. Que l’on soit piéton·ne, cycliste, motard ou automobiliste, lorsque notre champ de vision est obstrué ou lorsque notre regard est attiré par un écran vidéo (dont c’est la fonction première), le risque d’accident augmente. Le sentiment d’insécurité du public lié au manque de visibilité s’accroît également.
Le mobilier proposé par les entreprises publicitaires est standardisé en plus d’être inconfortable. N’est-il pas préférable d’avoir un mobilier urbain qui remplit véritablement sa mission de service public, qui est pensé par et pour les habitant·e·s afin de favoriser la convivialité et inviter à la rencontre ? Les publicités occupent le champ visuel et détournent le regard de la réalité sociale, esthétique et architecturale d’une ville. Certaines pistes existent pourtant : la "Loi Ville Propre" en 2007 à Sao Paulo a permis à ses habitant·e·s de redécouvrir leur ville.
La publicité en rue est violente
La spécificité de la publicité dans l’espace public est de s’appuyer sur l’impossibilité pour les citoyen·ne·s d’en faire abstraction. Contrairement à la publicité à la télévision que l’on peut zapper, aux annonces sur internet que l’on peut adblocker, la publicité dans l’espace public, elle, ne laisse aucune marge à notre liberté de (non-)réception.
Cette communication imposée, à sens unique, est d’autant plus violente que les messages diffusés excluent notamment les personnes qui ne se reconnaissent pas dans les modèles esthétiques, culturels ou de style de vie qu’elle véhicule. Malgré les dénonciations répétées des associations féministes, antiracistes ou de défense des personnes handicapées, la publicité s’appuie encore volontiers sur des stéréotypes rétrogrades, et traduit souvent une vision du monde sexiste et ethnocentriste. L’auto-régulation du secteur et le contrôle du contenu des publicités affichées dans l’espace public ont déjà montré toute leur inefficacité pour empêcher la diffusion d’un ensemble de messages stéréotypés et violents dans nos rues.
Pourquoi le GRACQ relaie la pétition initiée par le collectif "Bruxelles sans pub" ?
"Via la promotion du vélo, le GRACQ soutient une vision plus globale de la société : un monde plus égalitaire et socialement plus juste, plus respectueux de son environnement et de ses habitants et où les intérêts collectifs sont remis au centre des préoccupations." Le GRACQ s’engage à décloisonner le vélo de la seule question de la mobilité, en favorisant "la mobilisation des habitant·es face aux changements climatiques et environnementaux et aux inégalités sociales qui en résultent, se traduisant par un mode de vie responsable, conscient et le soutien pour un changement collectif global" (Plan de Développement Stratégique 2023-2030). Si la promotion du vélo peut a priori sembler éloignée de la question de la publicité dans l’espace public, les arguments développés par le collectif "Bruxelles sans pub" font clairement écho à la vision et aux valeurs portées par notre association. Si vous en êtes également convaincu·e, nous vous invitons à soutenir le mouvement ! |