Le parc automobile évolue : les véhicules enflent, s’alourdissent, deviennent plus puissants. Avec des conséquences multiples et néfastes : au niveau environnemental, sanitaire, sécuritaire, économique… Face à  un constat plus que consternant, des propositions concrètes émanent de la société civile, comme la "Low Danger Zone" ou l’opération REGIME. 

La thématique n’est pas nouvelle, loin s’en faut. En 1991 déjà, les ministres européens des Transports plaidaient pour une régulation de la masse et de la puissance des véhicules (via la règlementation, la fiscalité, la publicité). En dépit de cet appel du pied politique, force est de constater, une trentaine d’années plus tard, que le surpoids de notre parc automobile n’a fait que s’aggraver.

Ce n’est donc pas surprenant que la polémique s’amplifie ces derniers temps autour de la masse des véhicules. La presse a largement relayé l’initiative parisienne : le 4 février prochain, les citoyens seront amenés à se prononcer sur la place des SUV dans la capitale française1. Mais le surpoids des voitures fait l’actualité dans notre pays aussi.

Le mois dernier, la justice décidait de ne pas condamner trois Liégeois qui comparaissaient dans le cadre d’une action militante dénonçant la fiscalité avantageuse vis-à-vis des véhicules inutilement lourds et puissants (mais électriques)2

La semaine dernière, c’était au tour du gouvernement bruxellois d’annoncer son intention de supprimer le régime fiscal avantageux pour les pick-up3. Alors que les deux autres régions ont déjà mis fin à cet avantage, la région bruxelloise continue à exempter de taxe de mise en circulation les particuliers qui optent pour un pick-up. Un véritable non-sens.

À l’approche des élections, il y a fort à parier que le débat s’invitera dans les campagnes électorales. Car en l’absence de cadre réglementaire, le parc automobile belge continue son évolution délétère. En 20 ans, la masse moyenne a augmenté de près de +30%, la puissance moyenne de +60% et la hauteur du capot a gagné +10 cm (de 73 à 83 cm)4. Une croissance qui résulte en fait d’une stratégie marketing des constructeurs afin de dégager une plus grande marge bénéficiaire (le segment des citadines de taille modeste étant beaucoup moins rentable). 

L’envers du décor…

À des années lumières de l’univers aseptisé des publicités, qui poussent le consommateur à acheter des véhicules toujours plus volumineux, toujours plus lourds, et toujours plus puissants (mais aussi plus chers), la réalité est beaucoup moins reluisante.

Loin d’être une réponse à la crise climatique, les véhicules plus lourds et plus puissants – même électriques – génèrent d’importantes quantités de CO2 à la production et consomment davantage d’énergie à l’usage

Ces véhicules protègent mieux leurs occupants mais s’avèrent dangereux pour les usagers actifs et pour les occupants de véhicules moins lourds, comme l’a confirmé VIAS dans une étude récente4. Ils constituent en outre des masques de visibilité importants et façonnent un environnement davantage anxiogène pour les usagers actifs.

Ces véhicules plus volumineux occupent davantage d’espace, à la fois lorsqu’ils circulent et lorsqu’ils stationnent, alors que notre espace public est, lui, limité.

Un véhicule plus lourd émet davantage de particules fines liées au freinage et à l’usure des pneus.

Les véhicules plus lourds accélèrent la dégradation des routes, ce qui nécessite des entretiens plus fréquents et représente un surcoût pour les pouvoirs publics.

Low Danger Zone & opération REGIME

En 2021, le GRACQ rejoignait le mouvement "Stop pub SUV" aux côté d’autres organisations actives dans les domaines de la mobilité, de la sécurité routière ou de l’environnement pour dénoncer les abus de la publicité automobile et demander aux politiques des mesures concrètes de régulation.

Pour agir plus directement sur le parc automobile, Canopéa (anciennement IEW) et Parents d’Enfants Victimes de la Route (PEVR) plaident pour la Low Danger Zone (LDZ – zone à faible danger), en référence à la Low Emission Zone (zone de basses émissions) déjà bien connue. "Dans une  Low Emission Zone, l’accès est limité sur base de la norme Euro du véhicule (norme de pollution, dont le respect est assuré lors des tests en laboratoire, mais pas toujours sur route…). Le concept de LDZ consiste à limiter l’accès aux centres urbains sur base de la masse et de la puissance mécanique des véhicules, deux facteurs qui influencent tout à la fois leur dangerosité, leur consommation énergétique et leurs émissions – et deux facteurs sur lesquels les constructeurs ne peuvent pas tricher."

Rebondissant sur l'idée d'une Low Emission Zone, l’association The Shifters Belgium a récemment dévoilé son opération REGIME pour la région bruxelloise. Une proposition qui conjugue deux mesures, l’une réglementaire et l’autre fiscale :

  • L’instauration d’une Low Danger Zone exclurait progressivement les véhicules les plus lourds, pour atteindre le seuil final de 1,4 tonne (il existe aujourd’hui une offre large de véhicules en-dessous de ce seuil). 
    Cette proposition ne discrimine pas les familles nombreuses qui ont besoin d’une voiture familiale 7 places et elle offre un bonus de poids aux véhicules électriques (en moyenne plus lourds que les véhicules thermiques). Elle ne s’applique pas aux utilitaires, mais n’offre pas de dérogation aux pick-up (considérés comme des "faux utilitaires"). 
  • La modulation de la fiscalité sur les véhicules (taxe de mise en circulation et taxe de circulation) afin de prendre en compte leur masse, et décourager l’achat de véhicules inutilement lourds. 

La masse des voitures croît, tout comme l'indignation citoyenne. Il est grand temps que le monde politique se saisisse de la thématique : les élections qui s’approchent sont une excellente occasion de mettre en débat le surpoids de notre parc automobile. 

Florine CUIGNET

1. Votation parisienne : "Plus ou moins de SUV ? À vous de choisir !"
2. Procès pour une mobilité populaire et durable 
3. L'Echo : "Le régime favorable aux pick-ups à Bruxelles en sursis."
4. VIAS :"Impact des caractéristiques des véhicules sur la gravité des lésions des occupants de voiture et de la partie adverse", 2023.

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